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Fabrice Zango : « Je n’ai plus d’ambition africaine, c’est le monde qu’il faut conquérir »

Le 3 décembre dernier, nous avons publié la première partie de cette longue mais combien édifiante interview avec le recordman d’Afrique du triple saut. Ce lundi, nous vous proposons la seconde partie de cet entretien. Il porte sur les différents records réalisés par l’athlète burkinabè, ses préférences et ses choix sportifs ainsi que ses ambitions. Une deuxième et dernière partie à lire absolument !

Letalon.net : Plusieurs fois, tu as été classé deuxième ou cinquième. On se rappelle que ta première médaille d’or a été conquise aux Jeux de la Francophonie en 2017, à Abidjan. Comment as-tu vécu cela ?

Hugues Fabrice Zango : C’était la première médaille dorée de ma carrière. C’était assez important. Il faut dire que 2017 a été une année de galère parce que je suis arrivé en France en septembre 2016 pour mes études. J’ai donc pris un peu de temps pour m’acclimater. Il fallait un petit temps pour se mettre à niveau. J’ai eu du mal à atteindre 16m 80 qui était mon niveau. Si vous me mettiez trois semaines avant la compétition, je n’aurais pas gagné les jeux de la Francophonie. J’aurais peut-être été classé 4e. La préparation a été longue mais on est arrivé plus ou moins en forme aux échéances importantes. J’ai perdu toutes mes compétitions en 2017 ; je n’ai été sur aucun podium. J’ai perdu toutes mes compétitions jusqu’aux Jeux de la Francophonie. En fait, j’ai gagné une compétition avant les Jeux de la Francophonie. C’est cette compétition qui m’a permis d’avoir les minimas. Il y avait des doutes avant les jeux parce que j’avais manqué de régularité tout au long de l’année. Avoir gagné les jeux de la Francophonie m’a beaucoup soulagé et cela m’a donné de la confiance. Voilà pourquoi j’ai été encore médaillé aux championnats du monde universitaires la même année.

Letalon.net : Les jeux de la Francophonie sont donc une étape importante pour ta carrière…

Hugues Fabrice Zango : C’était le point de départ. C’est vrai qu’en 2016, j’avais été classé 2e aux championnats d’Afrique. Ce n’était pas mal mais ce n’est pas pareil.

Letalon.net : Deux ans après les jeux de la Francophonie, à l’occasion des championnats d’Afrique à Saba, vous décrochez une autre médaille d’or. Peut-on parler de confiance ?

Hugues Fabrice Zango : Quand on est lancé, on ne peut plus nous freiner. C’était plus facile aux championnats d’Afrique parce que j’avais beaucoup plus confiance en moi. En 2018, j’avais eu de très bons résultats de façon globale. Donc, ce n’était pas très compliqué.

Letalon.net : Toujours dans ta lancée, tu as réalisé la meilleure performance aux championnats de France. Quelle est la victoire qui paraît la plus importante pour toi ?

Hugues Fabrice Zango : C’est difficile à répondre mais je pense que le point de départ, c’était en 2015 parce que j’ai fait un bond aux championnats du monde universitaires pour avoir la deuxième place. C’était la compétition la plus importante de ma vie. C’est après cette performance que j’ai compris que j’étais fait pour réaliser de grandes choses dans cette discipline.

Letalon.net : Pour revenir à tes débuts, pourquoi le choix du triple saut alors que tu venais d’être repéré par le coach Sanou ?

Hugues Fabrice Zango : Au Burkina, on ne choisit pas sa discipline tout de suite même si tu as des préférences pour telle ou telle discipline. Quand je suis arrivé, j’avais des qualités de sprint. Le choix du triple saut s’est fait de façon naturelle. J’ai rapidement progressé au niveau du triple saut. J’aimais le sprint, mais je n’étais pas fait pour être Bolt.

Letalon.net : Cela ne t’empêche pas d’embrasser plusieurs disciplines…

Hugues Fabrice Zango : Si c’est au niveau des championnats nationaux, j’ai le niveau pour gagner dans bon nombre de disciplines. Mais si c’est pour participer à des compétitions comme le championnat du monde, je n’ai pas le niveau. Je suis très loin des meilleurs mondiaux au sprint. On ne va pas se casser la tête. On va être meilleur au triple saut.

Letalon.net : Tu l’as dit, tu es de nature à vouloir ‘’tout casser’’. Quelle est ta plus grande ambition en triple saut ?

Hugues Fabrice Zango : Toutes les compétitions qui peuvent être gagnées au niveau africain, je les ai toutes gagnées. Donc, je n’ai plus d’ambition africaine. C’est le monde qu’il faut conquérir. Et, le monde est vaste. Je frappe aux portes de la première place mais rien n’est encore acquis. Il faut qu’on s’installe au plus haut niveau. Il y a encore du boulot. Mais je pense que cette année, l’objectif est de remporter les jeux olympiques. On a été 3e aux championnats du monde. C’était plus une défaite qu’une victoire. Quelque part, c’était une victoire vu qu’elle était historique. C’était tout de même important de commencer sur la 3e marche mais l’année prochaine, l’objectif sera la première place.

Letalon.net : C’est vrai que jusque-là, tu arrives à concilier étude et sport. Cependant, penses-tu que les études peuvent être un frein à tes ambitions sportives ?

Hugues Fabrice Zango : Oui et non. C’est assez complexe. Cela dépend des situations. Dans mon cas, j’ai souvent des difficultés à allier les deux surtout lorsque je suis en période de compétition. En période d’entrainement, c’est beaucoup plus stable parce que les horaires sont fixes. En période de compétition, il me faut souvent voyager. Dès lors, cela devient un peu plus compliqué au niveau du boulot. Voilà pourquoi je dis que mon université m’a beaucoup compris. On a fait un planning qui me facilite beaucoup les choses. Après, j’essaie de rattraper mes retards. Il y a quand même un gros boulot qui est fait non seulement au laboratoire mais aussi à la maison. Je travaille au laboratoire et je fais mon sport. J’essaie de prendre de l’avance pour compenser les moments où je serais absent. C’est avoir le sens des priorités. Il s’agit de savoir à quel moment, telle chose est prioritaire sur telle autre.

Letalon.net : Lequel de tes deux records places-tu au-dessus de l’autre ?

Hugues Fabrice Zango : Franchement, je dirai mes 17m 66 parce qu’ils m’ont permis d’avoir une médaille. Mes 17m 77, c’était pour une exhibition. Je préfère mes 17m 66 parce que j’ai fait ce bond dans un contexte très compliqué au dernier saut des championnats du monde avec une pression phénoménale. Ce saut témoigne d’une grande maîtrise.

Letalon.net : Au Burkina Faso, tu es considéré comme un modèle par de nombreux jeunes. Qu’est-ce que tu as envie de dire à tous ces jeunes ?

Hugues Fabrice Zango : Notre système est très jeune. Forcément, il y a beaucoup de difficultés. C’est difficile d’évoluer. Que ce soit la musique ou un autre art, en plus de tes études, tu auras l’impression d’être à part. Lorsque tu voudras commencer quelque chose, on te dira que tu perds ton temps. Il faut s’armer d’un mental en béton. Quand je commençais, il y a des personnes qui m’ont dit que je n’irais pas plus loin. On m’a dit qu’il était préférable de jouer au football que de faire le triple saut. Mais toutes ces paroles ne me touchaient pas. Il faut avoir du courage et être convaincu de ce que l’on fait.

Letalon.net : Aujourd’hui, tu es une référence mondiale dans ta discipline. On peut dire que grâce au triple saut, tu vis à l’aise…

Hugues Fabrice Zango : Pour vraiment vivre de son sport, il faut être dans le top 10 mondial. Il y a toujours des personnes qui te diront que tu n’atteindras jamais tel objectif. Cela fait que j’avais arrêté de parler de mes rêves à certaines personnes. Même au stade du 4-Août, j’ai parlé de certains de mes objectifs alors que je n’étais pas encore performant. Certains trouvaient que ces objectifs n’étaient pas réalisables. On combat les mauvaises personnes avec les résultats.

Entretien transcrit par Shady COULIBALY (www.letalon.net)

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