Ancien international burkinabè passé par Planète champion, Patrick Zoundi a joué dans plusieurs clubs en Belgique, en Grèce et en Allemagne où il s’est finalement installé. Dans cet entretien exclusif accordé à Letalon.net, l’ancien joueur de Lokeren et du Fortuna Dusseldorf revient sur sa carrière, son passage en équipe nationale. Par ailleurs, il a accepté de parler de la formation, de Planète champion et de divers autres sujets d’intérêt !
Letalon.net : Comment se porte Patrick Zoundi dans cette période de pandémie du COVID19 ?
Patrick Zoundi : Je me porte très bien. Je suis juste rentrer d’un voyage d’affaires d’Afrique du Sud juste avant la fermeture des frontières. Mis à part cela, je vais très bien.
Letalon.net : Depuis un moment, tu te fais de plus en plus rare. Que devient Patrick Zoundi ?
Patrick Zoundi : Je ne me fais pas du tout rare. Je suis plutôt discret dans le monde du football. C’est avec la fermeture des frontières sinon entre novembre et février, je suis venu trois ou quatre fois au Burkina. Donc je ne me fais pas du tout rare simplement on ne me voit pas très souvent dans le milieu du football.
Letalon.net : Tu as joué dans plusieurs clubs en Belgique, en Grèce et en Allemagne ? Le meilleur club pour toi c’est lequel ?
Patrick Zoundi : Effectivement j’ai joué dans le championnat belge à Lokeren, dans le championnat grec dans trois clubs et dans le championnat allemand dans quatre clubs. Mais, j’ai toujours eu un souvenir positif comme des souvenirs négatifs dans tous les clubs où j’ai évolué. A Lokeren, j’ai joué 4 ou 5 ans mais après avec une blessure très grave. J’ai beaucoup plus aimer mon passage à Düsseldorf en Allemagne. J’ai beaucoup aimé les autres clubs également mais à Fortuna Düsseldorf, je m’étais créé un lien très spécial avec les fans du club. Je jouais toujours sous 42 000 personnes. À chaque fois que tu touches le ballon, tout le stade se lève et commence à crier ton nom. Donc, je me suis créé des moments de complicité incroyables avec le public.
Letalon.net : Quel est le club et le championnat qui te font le plus rêver et où tu aurais aimé jouer ?
Patrick Zoundi : Le championnat que j’aime beaucoup, c’est le championnat allemand parce que c’est un championnat similaire à celui de l’Angleterre avec peut-être moins de visibilité. Mais, c’est un championnat où toutes les équipes peuvent gagner. L’issue des matches est toujours incertaine. Tu peux voir Fribourg qui va aller battre le Bayern à Munich. Fortuna Düsseldorf peut aller battre le Borussia Dortmund à Dortmund. C’est un championnat vraiment passionnant et j’ai vécu là-bas. C’est un championnat très passionnant où les fanatiques sont vraiment passionnés par le football. C’est vraiment un championnat extraordinaire pour moi. Quand tu vois un match de football là-bas, tu te demandes si c’est vraiment le football. Les Allemands sont des gens qui vivent le football et qui aiment le football. C’est une certaine passion qu’on ne trouve qu’en Amérique du Sud ou dans les pays comme en Turquie.
Concernant le club, c’est le Bayern Munich qui m’a le plus fait rêver. En matière d’organisation et de business-marketing, le Bayern Munich est au-dessus. Ce sont des gens qui ont réussi à créer un système avec une très bonne organisation où rien n’est fait au hasard. C’est peut-être l’un des seuls clubs au monde qui n’est pas endetté. J’aime bien l’équipe, leur manière de fonctionner. J’aime tout en eux. Après le Bayern, c’est ensuite le Barça et Manchester United. Même si j’aime bien comment évolue le Real, mais je ne suis pas un grand fan.
Letalon.net : Tu as été formé par Planète champion. Quel souvenir gardes-tu de cette académie ?
Patrick Zoundi : Je garde vraiment de très bons souvenirs parce que pour moi, Planète champion est en fait à l’origine du renouveau du football au Burkina. Ça veut dire que Planète champion était vraiment une idée qui a révolutionné le football burkinabè. Ceux qui étaient à la CAN 2013, vous allez voir qu’il y a par exemple beaucoup de joueurs qui ont fait Planète champion. C’est pour l’une des premières fois dans l’histoire du football burkinabè que des jeunes se qualifiaient pour une coupe d’Afrique des Nations et cela n’était pas dû au fait qu’il y avait plus de talent ou pas. Mais, cela est dû à la formation et au fait qu’il y avait un groupe qui était là, une famille, des amis qui jouait l’un pour l’autre. Cela nous a fait jouer la finale de la coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans en Guinée Conakry (CAN 1999, Ndlr). Grâce à ce résultat, on a participé à la Coupe du monde (Nouvelle Zélande en 1999, Ndlr). C’était vraiment un renouveau au niveau de la jeunesse du football burkinabè
Letalon.net : Qui sont les anciens pensionnaires de Planète champion avec qui tu es proche ?
Patrick Zoundi : Au niveau de Planète champion, tous les pensionnaires sont des amis et aussi des frères. Je peux vous dire que je suis en contact avec presque tous les membres de ma génération. On s’appelle presque tous les jours. Mais, tout le monde sait que j’ai toujours eu cette affinité avec Boureima Maïga. Lui et moi étions quand même très proches. Jusqu’à présent nous sommes toujours proches. On s’appelle chaque deux ou trois jours. Je suis également très proche de Wilfried Sanou, de Ousseni Zongo, de Lamine Traoré, de Djibril Traoré, de Loliga Agana, je suis très proche de Guiro Issa, de Charles Pafadnam, de Salifou Traoré. Je risque de citer tous les joueurs de Planète champion. Je suis très proche de Aziz Nikiema, Enock Conombo, Alain Traoré… Ce sont des amis avec lesquels nous continuons de communiquer. On a même un petit forum des anciens pensionnaires de Planète champion. On discute, on prend des nouvelles. On s’appelle fréquemment même c’est une affaire de 1996. Il y a quand même très longtemps, mais on est resté très proche. Beaucoup d’entre nous ont arrêté, chacun a fondé sa famille mais on est resté proche.
Letalon.net : Depuis la fermeture de Planète champion, beaucoup d’écoles de foot ont été créées. Quel est ton avis sur la question ?
Patrick Zoundi : Après la fermeture de Planète champion, beaucoup d’écoles se sont créées mais elles ont mal copié. Le problème que nous avons, c’est qu’on copie mais parfois on copie mal. Pour copier, il faut savoir comment l’école fonctionnait comment la formation se faisait, ce qu’on inculquait à ces footballeurs… Donc c’est tout un système autour qui a fait que Planète champion ce succès ou que les joueurs de Planète champion ont eu le succès qu’ils ont eu. Mais fréquemment, les gens copient pour copier et en fin de compte ça amène beaucoup de dépenses et pas de résultats.
Letalon.net : Tu penses un jour à en créer ?
Patrick Zoundi : J’ai beaucoup pensé à cela et j’en discute même avec un autre ami qui est dans un autre domaine. Ce sont des projets futurs. Quand on sera prêt à rentrer au pays, on verra bien. Actuellement, on est en train de faire des diplômes, en train d’apprendre ce qui se passe en dehors du football pour essayer d’apporter un plus au développement du football. Il ne suffit pas de créer juste pour créer. Il faut créer pour apporter un plus dans le développement du football burkinabè.
Letalon.net : Tu as été plusieurs fois sélectionné en équipe nationale. Pourtant, tu n’as pas eu une longévité à la hauteur de ton talent. Comment expliques-tu cela ?
Patrick Zoundi : C’est vrai que j’ai été plusieurs fois sélectionné, normalement je devais faire une carrière meilleure que ça au niveau de l’équipe nationale. Mais, il faut savoir que Patrick Zoundi avait toujours un caractère un peu difficile. Je ne peux pas supporter les choses quand elles ne sont pas carrées. Donc, ça m’a amené à rentrer en conflit soit avec les structures soit avec l’entraîneur. Donc c’est ce qui a créé un frein et je me suis dit de toute façon, ils ne sont pas comme je vois les choses donc ça ne sert à rien. Je me suis dit qu’il y a des joueurs qui sont là et qui ont du talent et qui ont la capacité d’apporter peut-être plus que moi. Donc, je ne sais pas pourquoi je vais être là. C’est comme ça que je me suis dit sur un coup de tête qu’il y a des gens qui sont là et qui sont plus talentueux que moi. Mais je me suis dit que si tu es là et tu ne peux pas apporter plus qu’un autre, à quoi ça sert d’être là ?
Letalon.net : Quel est le plus beau souvenir de ta carrière ?
Patrick Zoundi : Le plus beau souvenir de ma carrière, c’est quand je suis revenu d’une grave blessure aux ligaments croisés dans le temps, en 2001 ou en 2002 je crois. Mon équipe était qualifiée pour la coupe de l’UEFA. On a joué à Manchester City et j’ai marqué un très beau but contre David Sieman. Ça reste quand même un très beau souvenir. Jusqu’aujourd’hui, si je pars à Lokeren, les gens me reconnaissent par ce but et le plaisir que je leur avais donné par ce but. Donc ça reste un souvenir qui m’a beaucoup marqué.
Letalon.net : Quel est le pire souvenir de ta carrière ?
Patrick Zoundi : Le pire souvenir de ma carrière, c’est la blessure que j’ai eu quand j’étais à Lokeren. En ce moment, les transferts se faisaient à tout moment. De grandes équipes étaient en discussions avec Lokeren pour me transférer dans les clubs qui jouaient la Ligue des champions. Mais avec la blessure que j’ai eue, les docteurs étaient très sceptiques sur le fait que je pouvais rejouer au football. Les contacts se sont refroidis mais malgré ça j’ai pu jouer plus de 15 ans au plus haut niveau. J’ai joué en première division en Grèce et en Allemagne dans de très bons clubs parce que la Bundesliga 1 et la Bundesliga 2 ont sensiblement le même niveau. J’ai réussi à jouer quand même à un très bon niveau même si je n’ai pas réussi à intégrer une équipe qui jouait la Ligue des champions. J’ai quand même joué à un très bon niveau et cela me convient. Chacun a son destin.
Letalon.net : Parmi tous les joueurs burkinabè avec qui tu as joué qui t’a le plus marqué ?
Patrick Zoundi : J’ai joué avec beaucoup de joueurs qui m’ont marqué. Par exemple, Boureima Maïga quand on était à Planète champion, on jouait ensemble il me voyait les yeux fermés. Il savait comment je jouais. Avec Aristide Bancé au niveau de Lokeren, avec Moumouni Dagano et cette puissance qui facilitait pour créer des espaces dans le dos. Il y a des génies comme Pitroipa, Ousséni Zongo même s’il n’a pas eu la carrière qu’on imaginait, Alain Traoré… Il y a tellement de bons joueurs. J’ai joué aussi avec des Islandais, des Allemands qui avaient des talents de fou qui ont joué dans les plus grandes équipes. Mais pour rester au Burkina, je citerai Dagano, Maïga, Aristide Bancé, Pitroipa, Alain Traoré, Youssouf Koné. Il y en a assez.
Letalon.net : Qui est le meilleur joueur burkinabè de l’histoire, selon toi ?
Patrick Zoundi : Ce n’est pas moi qui le dis. Dagano a été celui qui a remporté par exemple un grand prix au niveau mondial avec les éliminatoires coupe d’Afrique, coupe du monde cumulées. Il est sorti quand même meilleur buteur de de la zone Afrique. Il a aussi été décoré comme joueur du cinquantenaire. Il y a aussi des joueurs comme Jonathan Pitroipa qui a quand même été le seul joueur burkinabè à remporter le prix de meilleur joueur de la CAN. Mais, la balance va se pencher vers Dagano parce qu’avec tout ce qu’il a fait, il est meilleur buteur de l’histoire des Etalons. C’est quelqu’un qui a pesé sur le football national. Pitroipa, c’est pareil Bertrand également. Bancé aussi tout le monde voit actuellement ce qu’il est en train de faire. Je ne vais pas parler des anciens parce que je ne les connais pas. Je n’ai pas vécu avec eux. Donc je parle de ceux que j’ai eu l’opportunité de voir et de jouer avec eux. Donc mon choix va aller vers Dagano.
Letalon.net : En Côte d’Ivoire, l’ancien international Didier Drogba est candidat à l’élection de la FIF. Au Burkina, les anciens footballeurs son plus discrets. Comment expliques-tu cela ?
Patrick Zoundi : Ce n’est pas que les joueurs burkinabè sont calmes. Sinon, on l’a vu avec Zico qui aspirait à être président. Je me dis que chaque chose a son temps. Il y aura un moment où les joueurs burkinabè auront l’ambition de la présidence. Quand cela arrivera, ils vont se battre pour cela. En ce moment, nous verrons la personne qui va se décider. Si par exemple la personne a la carrure et toutes les facultés pour diriger, nous allons le soutenir.
Letalon.net : Penses-tu que l’élection d’un ancien footballeur à la tête de la FBF pourrait changer les choses ?
Patrick Zoundi : J’ai une manière simple de voir les choses. On n’a pas besoin qu’un footballeur soit à la tête du football pour que les choses changent. Il faut avoir seulement des personnes qui connaissent le football autour de toi pour faire changer les choses. Il faut aussi pouvoir écouter ces personnes. Donc, on peut avoir un consortium d’anciens footballeurs et qui vont travailler sur le développement du football. Même si la personne qui est à la tête n’a pas joué au football, il peut avoir autour de lui des gens qui connaissent très bien le football, qui savent parler de développement, du futur du football. Donc ce n’est pas forcément en ayant un footballeur à la tête de la fédération qu’on va avoir les résultats qu’on veut. On a vu Maradona comme entraîneur de l’équipe nationale d’Argentine. C’est l’une des plus grandes stars mondiales, mais est-ce que pour ça il a fait rempoter la Coupe du monde à l’Argentine ?
Letalon.net : Quel est ton avis sur la candidature de Amado Traoré ?
Patrick Zoundi : Personnellement, j’ai eu à discuter plusieurs fois avec le président Amado. Il m’a toujours parler de son programme de développement du football. C’est un programme auquel j’adhérais. C’est un président que je connais depuis très longtemps qui a beaucoup fait pour le football, qui a toujours été solidaire de ses joueurs. Il a toujours respecté beaucoup de principes sur le football. Ça veut dire payer les joueurs, apporter un plus au développement, essayer de changer les choses, essayer d’amener du professionnalisme dans son équipe. C’est quelqu’un qui a toujours été à la recherche de la perfection et c’est quelqu’un qui a toujours écouté, qui prend ce que tu as à dire et qui réfléchit. S’il peut le faire il essaye de le faire. Et c’est quelqu’un qui est très ouvert aux critiques et aux visions. Je connais son programme depuis 2016 où il voulait briguer la présidence de la Fédération. Donc, je le connais dans sa manière de voir les choses. Donc cela ne me surprend pas qu’il veuille être président de la Fédération.
Letalon.net : Que penses-tu de la candidature de Lazare Banssé ?
Patrick Zoundi : J’ai personnellement connu Lazare Banssé en tant que grand frère de Aristide Bancé. Je n’ai jamais eu une discussion avec Lazare Banssé sur le développement et sur sa vision du football. Donc je ne peux pas me prononcer sur quelqu’un dont je ne connais pas la vision du football.
Letalon.net : Quels sont tes projets futurs ?
Patrick Zoundi : Mes projets futurs sont simples. C’est d’apprendre au maximum ce qui a permis à l’Europe de se développer pour atteindre par exemple le niveau de football qu’ils ont actuellement et essayer par exemple de l’adapter au niveau du Burkina. Pour mon retour au Burkina Faso, je vais essayer de l’adapter, apporter ma pierre aussi au développement du football au Burkina. Je n’ai pas besoin d’être un entraîneur pour ça. Je peux par exemple être un conseiller. J’ai quand même beaucoup d’acquis au niveau de l’Europe en tant que footballeur et en dehors du football. Donc quand je serai prêt et quand le besoin va se faire sentir au niveau fédéral ou au niveau du ministère, je serai présent pour apporter toute mon expérience au développement du football, ma manière de voir les choses, ce que j’ai appris et comment l’adapter pour développer le football.
Entretien réalisé par Yiyé Yannick BAZIE et Théophile Oliélé BAYALA (www.letalon.net)
