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Paul Put, les Etalons, la FBF, le ministère des Sports : les 4 vérités de Sidi Napon

Ancien footballeur international, il a participé à l’épopée burkinabè à la Coupe d’Afrique des nations Burkina 98 avant d’arrêter sa carrière la même année et d’aller s’installer en France. Aujourd’hui homme d’affaires, celui qui a été l’adjoint du sélectionneur belge Paul Put lors de la CAN 2013 et la tête pesante de l’équipe nationale U20 en 2015, s’est prêté à nos questions. Sidi Napon, puisque c’est de lui qu’il s’agit, revient pour la première fois sur des questions qui sont restées longtemps sans réponse. Ses rapports avec Paul Put, son éviction de l’encadrement technique des Etalons A, son passage sur le banc des U20, l’élimination face au Mali, la sélection nationale, la CAN 2017… Autant de questions auquel il répond, sans langue de bois et avec le franc-parler qu’on lui connait.

Le Quotidien : Que devient Sidi Napon depuis qu’il a quitté la tête de l’encadrement technique des Etalons U20 en 2015 ?

Sidi Napon : Napon se porte très bien, après mon passage ici avec l’équipe nationale. J’ai fini mon contrat en 2015 et je suis rentré en France. Je suis toujours dans le milieu sportif. Je suis le directeur sportif du FC d’un petit club que je dirige tranquillement à Pari. Mais maintenant, je suis dans le monde des affaires. Je ne suis plus trop dans le milieu du football aujourd’hui.

Pourtant, on vous connait également en tant que consultant pour des émissions de sport sur des chaines panafricaines. Est-ce si difficile de rompre avec le milieu ?

C’est le contexte qui fait que je suis consultant sur la chaine Africa 24, sur la radio Africa N°1 et parfois sur RFI. Si je suis consultant, c’est en quelque sorte une bonne chose parce qu’en France on reconnait ma valeur, mon talent. On sait de quoi je suis capable. Si les gens qui connaissent ma valeur me font appel, je suis obligé d’y aller. Cela fait plaisir. J’ai été invité par le ministre des Sports à prendre part aux débats sur le sport national. C’est une reconnaissance du ministre. Je profite de l’occasion pour le remercier parce que c’est une très bonne chose. Les anciennes gloires du football burkinabè, il ne faut pas les oublier. Je voudrais que l’on respecte un peu l’association des internationaux burkinabè qui est présidée par Baya Traoré. C’est une très grande association pour tous les footballeurs qui ont quand même mouillé le maillot pour le drapeau national. En tant que tel, je pense qu’on devait les convier pour toutes rencontres pour trouver des solutions aux problèmes du football dans le pays. Je salue une fois de plus le ministre qui a eu l’idée de nous convoquer. Je suis fier de débattre et de donner mon point de vue sur le football burkinabè et sur l’avenir du sport au Burkina.

Vous avez avancé qu’en France l’on reconnaissait votre valeur. Est-ce à dire qu’au Burkina, vous n’êtes pas reconnu à votre juste valeur ?

Ici au Burkina, les gens me connaissent. Mais combien de fois ai-je été invité sur les plateaux ? Combien de fois on est venu vers moi pour solliciter mon point de vue sur une question ? Il y a plein de choses qui se passent au Burkina Faso sans que nous les anciens internationaux ne soyons conviés. On ne fait pas suffisamment attention à nous. Chacun doit rester dans son contexte. Je ne connais que le football, je ne vis que de cela. C’est le football qui m’a nourrit jusqu’aujourd’hui. On ne peut pas avoir un vécu de 30 ans à l’extérieur et ne pas avoir son mot à dire chez soi. C’est très difficile à gober parce que nous avons beaucoup de ressources. Je ne suis pas le seul. Nous avons beaucoup d’anciens internationaux qui peuvent donner de la valeur à notre football. Mais, il faut qu’on s’intéresse à eux. On me voit parce que je suis toujours sur le terrain. Mais, il y a beaucoup qui sont là. Mais, ceux qui vivent au Burkina, est-ce qu’on les considère ? C’est cela le gros problème.

Vous avez été l’adjoint de Paul Put lors de la CAN 2013 et le sélectionneur de  l’équipe nationale junior. Que retenez-vous de votre carrière d’entraineur ?

Ce que je retiens de mon passage ici, c’est qu’entre nous les Burkinabè c’est la méchanceté. La plupart du temps, c’est ceux qui ne connaissent rien qui sont toujours devant. Quand on arrive et qu’on met quelque chose en place, il y a des gens qui croient qu’ils peuvent faire mieux que toi si tu n’es pas là. Ils font cela tout en sachant que si eux-mêmes ils viennent, d’autres personnes vont leur mettre des bâtons dans les roues. C’est notre gros problème ici au Burkina. Heureusement qu’il a fallu que je vienne ici au Burkina pour comprendre beaucoup de choses. Cela fait 30 ans que je vis en France. Mais, j’ai compris pas mal de choses ici. On ne s’aime pas entre nous. Je pense que cela attribuable aussi à la pauvreté. Les gens font du mal aux autres pour avoir quelque chose en retour. Quand j’ai pris l’équipe avec Paul Put, on a tout dit sur moi. J’ai quitté ma famille pour venir au Burkina, c’était pour apporter quelque chose à mon pays. Je suis parti sans regret. C’est d’ailleurs la première fois que j’accorde une interview sur la question.

C’est de la méchanceté gratuite que de faire du mal à autrui alors qu’on ne gagne rien, ni argent ni trophée. Ça sert à quoi de voir quelqu’un souffrir ou lui du mal ? Je ne suis pas ce genre de personne. Si nous ne sommes pas solidaires, nous ne pourrons jamais avancer. Nous serons toujours les derniers. Cette méchanceté gratuite n’est pas seulement dans le football, mais dans tous les secteurs d’activité. Paul Put reconnait mon travail. Les gens ont dit que Paul Put et moi nous ne nous entendions pas. Mais j’ai toujours dit ce que je pensais. Je n’ai peur de personne. Quand il y avait des choses qui n’allaient pas, je lui disais ce que je pensais. Il le prenait bien ou mal. Mais, qui a vu une fois Paul Put m’insulter ou me parler mal dans les journaux ? Non parce qu’il savait mon importance au sein de la sélection. Mais les gens n’ont pas compris. J’ai arrêté le foot en 1998. Combien d’entraineurs européens y a-t-il eu de 1998 en 2013 ? Il y en a eu beaucoup avec des adjoints burkinabè. Mais lors de ma première année avec Paul Put à la tête des Etalons, nous sommes allés en finale de la CAN 2013. Mais chez nous, il n’y a que l’Européen qui sache faire les choses. On ne voit pas le travail du frère. Mais, je travaillais dans l’ombre. Il y a des décisions que Paul Put prenait avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Je lui disais ce que je pensais et on avançait ensemble. Malgré tout ce qu’on disait sur moi, cela ne me dérangeait pas du moment que je faisais quelque chose pour mon pays.

Pourtant, il est ressorti que votre redéploiement à la tête des Etalons U20 était dû à des incompréhensions avec Paul Put qui serait d’ailleurs à l’origine de cette décision. Est-ce la réalité des faits ?

C’est normal ! Paul Put a été lui-même entrainé par des gens qui étaient avec lui. Quand on voit quelqu’un qui connait son travail et qui par ailleurs est un enfant du pays, il devient une menace parce que si on le chassait, on m’aurait pris à sa place. C’est donc tout à fait normal qu’il ne puisse pas travailler avec moi. D’ailleurs, quand on m’a redéployé chez les juniors, j’ai fait du bon boulot. Avec les juniors, vous rappelez-vous combien de stages j’ai fait avec l’équipe ? Aucun. Il y a juste eu un regroupement avant d’aller jouer contre le Mali. Je n’ai eu droit qu’à deux semaines. Je n’ai eu aucun apport et personne ne peut dire le contraire. Au niveau fédéral et au niveau du ministère des Sports personne n’est venu voir mon équipe s’entrainer un jour. Le seul membre fédéral qui est venu voir l’entrainement une fois, c’est Bertrand Kaboré (alors SG de la FBF, Ndlr). Des joueurs étaient malades, blessés. Même l’eau pour les joueurs, c’est moi qui payais de ma poche. Je suis un patriote. Je suis fier d’être Burkinabè. Partout je suis, j’ai toujours porté haut le drapeau et le nom du Burkina Faso. Je me suis toujours battu pour le Burkina et pour le football burkinabè. Quand j’ai échoué à qualifier l’équipe pour la CAN, les gens étaient contents.

Mais tous ces jeunes que j’ai eus se comportent bien au plan international. Hervé Koffi dont tout le monde parle aujourd’hui, c’est moi qui l’ai amené. Qui le connaissait ? Les joueurs comme Gora, Sylla… c’est encore moi. Cyrille Bayala, quand il avait été viré malproprement de la CAN, je l’ai récupéré parce que je voyais du talent en lui. Où est-il aujourd’hui ? Zakaria Sanogo… tous ces jeunes sont des portes flambeaux et des valeurs sûres du football burkinabè et jouent en équipe première aujourd’hui. J’ai fait mon boulot en âme et conscience. Si aujourd’hui le Burkina Faso se retrouve avec des joueurs qui étaient sous ma coupole, que les gens ne connaissaient pas et que j’ai lancé, c’est ma fierté. Le président de la Fédération n’est pas mort, il est là et vous pouvez lui demander. La veille du match contre le Mali, j’étais avec Hervé Koffi à l’hôpital jusqu’à 3 heures du matin. Il était malade et j’étais seul avec mes joueurs puisque personne n’était avec eux à l’hôpital. La seule personne qui m’a accompagné ce jour à l’hôpital, c’était Rahim Ouédraogo. Vous pouvez lui demander. C’est à 3 heures du matin la veille du match que j’ai quitté l’hôpital/ mon gardien titulaire était blessé et je devais refaire mon équipe avec un autre gardien. Quand j’ai perdu ce match, tout le monde m’est tombé dessus. Mais je leur ai dit que je ne baissais jamais la tête. Je leur ai dit en face que je savais pourquoi j’avais perdu contre le Mali et que j’irais gagner là-bas. Mais, ils se sont foutu de ma gueule, tout le monde rigolait. Je suis effectivement allé battre le Mali à domicile 2 buts à 0. Mais, nous avons été éliminés. Si j’avais eu une préparation à la hauteur, si on m’avait mis dans les bonnes conditions, on serait qualifié. Malgré tout, je n’en veux à personne. C’est la vie qui est ainsi faite. Je ne suis pas rancunier.

Quels sont vos rapports avec les jeunes joueurs que vous avez eus sous votre coupe lorsque vous étiez à la tête de la sélection U20 ?

Ils m’appellent tout le temps. Lors de chaque regroupement des Etalons en France, je suis l’un des premiers à m’y rendre. Que ce soit Bayala, Koffi, Sanogo… Je les appelle, je les encourage. Je suis en contact avec tous les joueurs anciens comme nouveaux et tous les expatriés. Si on n’est pas uni, on ne peut pas s’en sortir. Ça ne sert à rien de se mettre les bâtons dans les roues alors qu’il faut avancer. C’est cela ma conception de la vie.

Comment appréciez-vous le parcours des Etalons notamment à la CAN 2017 avec une 3e place à la clef ?

C’était un très bon parcours. Mais, j’en veux un peu aux anciens qui n’ont pas pris leurs responsabilités lors de la demi-finale. Ils ont laissé les jeunes aller tirer les penaltys. Or, dans ces moments difficiles que sont les tirs au but, je pense que les anciens devaient prendre leurs responsabilités en allant tirer les penaltys. Ce sont les seuls moments que je n’ai pas appréciés parce que cette finale nous tendait les mains.

Vous avez indiqué avoir embrassé une carrière d’homme d’affaire. Mais Sidi Napon continue-t-il de passer les grades dans sa carrière d’entraineur ?

Franchement, j’ai mis ma carrière d’entraineur entre parenthèses. Il y a d’autres choses qui priment aujourd’hui comme je l’ai dit.

Est-ce une simple parenthèse ou  un point final ?

Non ! Comme je l’ai dit, c’est une simple parenthèse et on peut l’ouvrir à tout moment. Le seul problème, c’est que je suis aujourd’hui occupé à faire autre chose. Mais, je serai toujours là pour le football burkinabè, pour mon pays. Personne ne pourra m’en dissuader. Je ne rigole pas avec tout ce qui touche à mon pays.

Après 30 ans de vie en France, peut-on envisager un retour au bercail de Sidi Napon pour s’installer et faire profiter son expérience aux autres ?

Bien sûr, c’est mon souhait ! Mais seul Dieu connait l’avenir. Je ne peux pas te dire quoi que ce soit là-dessus. Mais c’est mon souhait.

Certains anciens internationaux ont ouvert des écoles de football et ont déjà commencé à transférer des joueurs, notamment en Europe. Cela vous inspire-t-il ?

Non ! Pour le moment, les centres de formation ne font pas partie de mes objectifs.

Certains anciens internationaux, après avoir connu la gloire et la fortune, se retrouvent à raser les murs dans nos villes. Comment expliquez-vous cela ?

Lors des débats pendant le séminaire, j’ai évoqué le problème. J’ai même proposé que l’Etat puisse prendre cela en main en créant des pôles où les anciens sportifs pourront faire une formation pour intégrer certaines sociétés. Nous avons aujourd’hui un très bon exemple avec Rahim Ouédraogo qui emploie beaucoup d’anciens joueurs dans sa compagnie. Mais, pourquoi ne pas créer avec le ministère des Sports et des Loisirs et l’aide du gouvernement un endroit où on fera la formation à un métier et essayer de placer ces personnes. C’est honteux de voir ces anciennes gloires qui rasent les murs.

Ne faudrait-il pas également penser à sensibiliser ces sportifs qui, pour la plupart, amassent de grosses fortunes qui auraient pu leur permettre de vivre à l’abri du besoin pendant des décennies ?

C’est vrai que c’est aussi une question de gestion. Mais, quand on joue au haut niveau, il faut savoir investir, faire des placements. Même en Europe, de nombreux sportifs qui avaient de grosses sommes d’argent n’ont plus rien aujourd’hui. Parfois, tu places ton argent et tu te fais doubler. Je veux dire que s’il y a certains qui gagnent de l’argent, mais d’autres par contre ont beaucoup fait pour le pays, mais n’ont pas eu  assez d’argent pour mettre de côté. Il faut essayer voir ce que l’Etat peut faire pour ces personnes, créer quelque chose pour les amener à travailler. On peut toujours les former, car il n’y a pas d’âge pour apprendre. Il faut au moins qu’ils puissent vivre dignement.

Une dernière chose à ajouter ?

Je voudrais juste dire qu’il faut que la mentalité au Burkina Faso puisse changer. Il faut que la méchanceté gratuite cesse. C’est ce que je déteste le plus dans la vie.

Par Bouélé Philippe BATIONO (Le Quotidien)

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